Ce couple de loups est unique en France : on vous explique pourquoi il pourrait, malgré tout, être abattu 11 03 2025
Deux loups observés pour la première fois en juillet 2024, sur le plateau de Millevaches, risquent d'être abattus par des tirs de défense. Issus de deux lignées différentes, ils pourraient engendrer un croisement inédit en France, indispensable pour la conservation de l'espèce. Une pétition en ligne contre leur abattage rencontre un franc succès.
On le savait de retour, mais on ignorait dans quelle mesure. Le 24 juillet 2024, l'association Carduelis, installée en Creuse, a eu la confirmation que le loup peuplait bien à nouveau le plateau de Millevaches.
"Après l'abattage d'un premier loup en 2023, on avait laissé quelques pièges photos sans certitude qu’il y ait d’autres loups", explique le naturaliste Vincent Primault. "Pendant une prospection, on a trouvé beaucoup de crottes dans un lieu qui avait l’air très favorable, et donc on a réinstallé des pièges photographiques à cet endroit-là, et on les a eus."
En visionnant les clichés, ils ont une surprise : ce n'est pas un, mais deux individus qui peuplent la partie corrézienne du plateau. Autrement dit, une meute. Une première en Limousin depuis la réapparition du loup dans la région en 2017.
La femelle, âgée de quinze mois au moment des premières observations, est trop jeune pour être née ailleurs que sur le plateau de Millevaches. "En France, toutes les reproductions ont lieu dans les Alpes. Il y a eu quelques exceptions, notamment en Lozère en 2022, mais c'est très rare", note le naturaliste.
Une naissance synonyme d'un environnement extrêmement favorable à l'installation du loup. Le territoire de ces deux loups, grand d'environ 150 km², s'étend sur la partie corrézienne du plateau. “Il y a de grands espaces avec beaucoup de faune sauvage pour se nourrir. Il y a suffisamment de tranquillité, c’est vraiment un territoire qui correspond au loup, même s’il s’adapte à pas mal de milieux", poursuit le spécialiste.
Un possible croisement inédit en France
Autre particularité : les deux individus proviennent de deux lignées différentes. Le mâle est issu de la lignée germano-polonaise, autrement dit des pays de l'Est, tandis que la femelle est d'ascendance italo-alpine. Un très bon signe pour la conservation de l'espèce, comme l'explique Vincent Grimault :"C’est la première fois que ça arrive en France. Cela s'est déjà produit au niveau européen, mais c’est très rare. Ce brassage génétique est nécessaire à toute population animale ou végétale pour continuer d'évoluer."
Aujourd'hui âgée de 22 mois, la femelle sera bientôt en mesure de se reproduire. Sauf qu'elle risque de ne jamais atteindre la maturité sexuelle.
Menacés par des tirs de défense
La préfecture de la Corrèze a autorisé un éleveur de Chavanac, victime d'attaques entre 2022 et 2024, à effectuer des tirs de défense sur ces deux individus. "Cette mesure n’est en aucune manière une autorisation de chasser le loup. Elle s’effectue dans le strict respect du plan national loup", tient à rappeler la préfecture dans un communiqué. Un plan qui autorise l'abattage de 192 loups pour l'année en cours.
“On a voulu révéler tout ce qu’on a appris parce que, ce qui nous fait peur, c’est qu’ils soient abattus très rapidement, alors que ce n’est pas du tout la solution. Il y a beaucoup d’études sur les tirs au hasard sur des loups qui montrent que ça ne marche pas." L'association Carduelis a lancé une pétition en ligne, le 4 mars dernier, pour s'opposer à cet abattage, recueillant 7.500 signatures en quelques jours.
Dire que le sujet divise est un euphémisme. Les éleveurs réclament des mesures fortes à l'encontre du loup. Daniel Couderc, le président de la Chambre d'agriculture de la Corrèze, se réjouit que ces deux spécimens puissent bientôt disparaître : "J’entends ces environnementalistes, mais ils ne sont pas à la place de l’éleveur qui va retrouver ses brebis soit mortes, soit mutilées."
"Le loup et l'élevage en plein air sont complètement incompatibles."
Mesures de protection
L'efficacité de ces tirs sur la protection des troupeaux est contestée. Un avis que partage Philippe Brugère, le président du Parc naturel régional de Millevaches :"Quand on en tue un, ce sont un ou deux autres individus qui arrivent. Ça ne fait pas disparaître le danger. Ça peut faire diminuer temporairement le risque de prédation, mais il finit par revenir comme c’est le cas actuellement. Il faut que les éleveurs comprennent cela et ne fassent pas la politique de l’autruche."
Le PNR de Millevaches a investi dans un certain nombre de matériels : des filets de protection, et des dispositifs effaroucheurs mis à la disposition des éleveurs qui en font la demande.
Mais pour Daniel Couderc, "non seulement ces mesures de protection sont coûteuses en argent, mais aussi en temps, car c’est à l’agriculteur de les mettre en place. Quant aux chiens patous, leur gestion est loin d'être simple et ils présentent un certain danger pour les populations."
À aucun moment, on dit que c’est facile pour les éleveurs et que ça ne crée pas des difficultés supplémentaires. Maintenant, les moyens de protection marchent dans les Alpes, c’est prouvé : il y a deux fois plus de loups et le nombre d’attaques est resté stable.
Vincent GrimaultNaturaliste, association Carduelis
Signe des vives tensions sur ce sujet, la projection du film "La Part du loup" de Vincent Primault et Carmen Munoz Pastor, initialement prévue le 26 mars au lycée forestier de Meymac, a dû être déprogrammée en raison des protestations de la FDSEA.
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