Une cabane au fond des bois, à Bialowieza, loin des neiges de Lamoura dans le Jura, son point d'ancrage. Depuis début février, c’est devenu la maison de Fabien Bruggmann, sa femme, et leurs enfants, Elliott, 8 ans, et Emma, 4 ans.
Fabien Bruggmann est un homme d’images. Et du temps qui passe. Un temps qu’il ne compte pas pour préparer un livre et poser, sur papier glacé, la faune de la dernière forêt primaire d’Europe. 3086 km 2 d’un univers vierge entre Pologne et Biélorussie où vivent loups, bisons, lynx. Bienvenue à Bialowieża, une forêt inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979, et reconnue comme réserve de biosphère depuis 1976.
Formée il y a 10 000 ans, lors de la dernière glaciation, cette forêt est restée à l'écart de la plupart des influences humaines. Un vaste territoire ode à la biodiversité, grand comme 60% du département du Jura.
100% du temps, je cherche du loup, 7 à 8 heures par jour
Fabien Bruggmann, photographe
Quand toutes les planètes s’alignent, une meute de loups devant moi
Le 26 mars, Fabien Bruggmann vit un rêve éveillé. “Cette image, j’avais en tête depuis longtemps l’idée de la faire. Avoir une meute de loups en face, ça fait 20 ans que j’en rêve. Depuis deux mois en Pologne, j’ai vu une dizaine de fois des loups, mais jamais dans les bonnes conditions de lumière. Ce jour-là, il avait neigé, j’ai pisté une meute au lever du jour. Nous nous sommes positionnés sur une route en espérant qu’ils passent là. Ils sont arrivés, tranquilles. J’ai d’abord vu leurs oreilles avec mes jumelles. Ils étaient là, à 200 mètres de moi et de ma femme. Ils ne nous ont pas vus” raconte-t-il, encore tout émerveillé.
“Mon truc à ce moment-là, c’est de ne pas rater l’image, avant même de profiter du moment. J’ai fait plusieurs photos d’abord, puis 30 secondes de vidéo, car ça valait vraiment le coup, puis j’ai refait des photos de ces loups gris” ajoute le photographe jurassien.
"J’ai vu mon premier loup en Alaska, et le regard de l’animal"
Fabien Bruggmann est l’homme qui a vu le loup. Et plus d’une fois. “J’ai croisé mon premier loup en Alaska il y a 12 ans. On s’est regardé. C’est le regard de l’animal que j’ai aimé. C’est un regard intelligent, on sent qu’il y a quelque chose dans ce regard. En plus, cet animal est mal aimé, alors ça me plaît. On raconte trop de bêtises sur le loup” confie le photographe.
En Italie ou dans le Jura, chaque face-à-face avec le loup est unique
À Bialowieża, le loup gris pèse 40 à 50 kilos. Bien plus qu’un loup gris qu’on trouve dans le massif du Jura, entre France et Suisse. Chez nous, les loups sont moins corpulents, explique Fabien Bruggmann. 30 à 40 kilos seulement. Le photographe jurassien travaille avec le Suisse Julien Regamey sur cette meute d’une dizaine d’individus. Avec un peu de chance, on peut voir le loup, sur le secteur du Marchairuz à deux pas de la frontière française. “Nous les avons vus, six ou sept fois dans ce secteur en deux ans. Nous avons énormément d’images de cette meute grâce aux pièges photographiques, et quelques images en vidéo” explique-t-il.