LOUP DE MON COEUR

LOUP DE MON COEUR

La toute première meute de loups officiellement observée en Limousin pourrait être exceptionnelle en France 09 03 2025

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La première meute de loups, un mâle et une jeune femelle, officiellement observée en Limousin est exceptionnelle par son caractère génétique. Une reproduction de ces deux individus serait même une première en France. Si bien que les naturalistes de Carduelis, association basée en Creuse, s'inquiètent de l'autorisation de tir délivrée par la préfecture de Corrèze qui menace ces deux loups installés sur le Plateau de Millevaches.

Sur le plateau de Millevaches, la recolonisation du territoire par le loup est à un moment historique. Depuis des années maintenant, depuis que le loup est revenu en 2017, Carmen Munoz Pastor et Vincent Primault de l’association Carduelis, basée en Creuse, sillonnent le plateau de Millevaches, relèvent les empreintes, les crottes, suivent les pistes. L’année dernière, plus d’un an après l’abattage, en mai 2023, du premier loup installé sur la montagne limousine, « on avait découvert quelques indices intéressants, on s’est dit qu’on allait poser des pièges photos à cet endroit », expliquent-ils.

 

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Lorsqu’ils ont découvert sur les images des pièges photographiques un premier loup, un mâle adulte, puis un second, un louveteau femelle, qui le suivait, « ça a été une très grande surprise. C’était assez incroyable », se souvient Carmen Munoz Pastor.

 

 
« On s’attendait à trouver un individu et on a eu l’image d’un adulte suivi par un tout jeune louveteau… »
Carmen Munoz Pastor (naturaliste, association Carduelis)

 

C’était le 27 juillet 2024. Deux jours plus tard, des tirs de défense étaient autorisés par la préfecture  de la Corrèze suite à une attaque de troupeau (1). « Le mâle a été bien blessé à la cuisse gauche. Il avait un énorme impact, on ne sait même pas comment il a pu survivre, comment il a pu chasser, on ne sait pas comment il a pu s’en sortir. On l’a suivi un bon moment. On voyait qu’il se remettait tout doucement. Et après un moment, on les a retrouvés tous les deux ensemble », explique Vincent Primault.

 

La présence exceptionnelle d'une jeune femelle de souche italo-alpine

Des mois d’observations plus tard et d’intenses recherches, la surprise se double d’une autre. La jeune femelle serait de lignée italo-alpine. « C’est plus qu’une hypothèse parce qu’on a fait analyser nos images par des spécialistes dans les Alpes, et il ressort que c’est forcément un louveteau qui est né sur le Plateau en 2023. À cet âge-là, il est absolument impossible qu’il ait dispersé, qu’il soit arrivé ici tout seul », explique Carmen Munoz Pastor.

 

D’autant que les louveteaux ne dispersent qu’aux environs de deux ans quand cette jeune femelle a été observée ici pour la première fois à environ 15 mois.

 

 
« On sait avec certitude qu’elle est de lignée italienne grâce aux lignes charbonnées, noires, qui sont présentes sur les pattes avant et qui ne le sont pas sur les loups de lignée germano-polonaise »
Vincent Primault (naturaliste, association Carduelis)

 

Ses parents n’ont jamais été observés, laissant penser que son père pourrait être le mâle abattu en 2023 ou bien un autre, mais que comme sa mère, obligatoirement italo-alpine, ils ont disparu ou ont pu être braconnés sans qu’on connaisse officiellement leur existence.

 

Si le moment est historique, c’est que ces données ont un caractère exceptionnel : « Depuis le retour naturel du loup il y a une trentaine d’années, il n’y a eu que trois reproductions en dehors des Alpes (2). Là, on est dans un cas d’extrêmement probable naissance d’un louveteau italo-alpin sur le Plateau ce serait une quatrième reproduction hors des Alpes », explique Carmen Munoz Pastor.

 

Deux lignées européennes différentes pour la première fois en Limousin

À cela s’ajoute le fait que le mâle qui l’accompagne est de lignée germano-polonaise, ce qui double le caractère exceptionnel du moment.

 

 
« Pour la première fois en France, on a une rencontre entre deux loups de deux lignées européennes différentes. C’est très, très important, c’est quelque chose qui est attendu depuis longtemps pour le brassage génétique, la richesse du patrimoine génétique des loups européens, pour rendre une population vivante viable tout simplement »
 
Carmen Munoz Pastor (naturaliste, association Carduelis)

 

L’association a prévu de faire des analyses génétiques grâce aux crottes prélevées pour confirmer l’origine génétique de la jeune louve. Cette dernière a aujourd’hui 22 mois et pourrait se reproduire dans l’année (la maturité sexuelle étant atteinte à 2 ans). Une reproduction en Limousin ne provoquerait « aucun risque de surpopulation lupine », insiste Carduelis puisque les louveteaux disperseront dans d’autres territoires. Elle serait en tout cas exceptionnelle  puisqu'un croisement entre ces deux lignées génétiques européennes serait une première en France.

 

Ni même d’explosions des attaques. « C’est prouvé scientifiquement. Dans le livre récemment paru Le loup de Valberg, Pauline Briand donne un chiffre qui est très parlant : en 2019, il y avait 530 loups en France. En 2023, on a annoncé qu’il y avait 1.000 loups en France, et le nombre de victimes d'attaques est restée stable… »

L'inquiétude face au possible abattage de ces deux loups

Si les naturalistes ont décidé de révéler l’importance de la situation, c’est que depuis une dizaine de jours, des louvetiers sont positionnés à proximité d’un troupeau de moutons, à Chavanac, en Corrèze. Abattre ces loups mettrait un coup d’arrêt brutal à une richesse génétique inestimable défend l’association Carduelis, soutenue dans sa démarche par plusieurs associations nationales dont l’Aspas, Ferus, Cap Loup ou encore Nos Viventia. Une pétition en ligne a recueilli en quatre jours plus de 6.500 signatures pour protester contre l’abattage de ces deux loups.

« Depuis novembre 2024, il n’y a eu aucune attaque sur le plateau, donc il n’y a aucune raison de poster des louvetiers », insiste Carmen Munoz Pastor. Les dissections des crottes réalisées par les naturalistes ont montré qu’ils ont consommé cet hiver des proies sauvages, « on a retrouvé des os de chevreuil, du lièvre » et aucune proie domestique.

 

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L’association rappelle également que les statistiques montrent que la protection des troupeaux est bien plus dissuasive que les tirs létaux. 

 

 
« On insiste là-dessus, toutes les études montrent que quand on tire les loups, il y a d’autres loups qui arrivent. C’est exactement ce qu’il s’est passé en 2023. Et un an après, il y avait deux autres loups. Chercher à les abattre systématiquement ne résout rien du tout. Alors que conserver ces deux loups, les étudier de près, permettrait de chercher des moyens de protection adaptés au plateau de Millevaches et adaptés au comportement de ces deux loups que l’on connaît. Il faut profiter de l’occasion et de ce moment »
Vincent Primault (naturaliste, association Carduelis)

 

Risquer de composer avec de nouveaux venus, au comportement imprévisible, « c’est perdre du temps et tourner en rond ».

 

Les naturalistes sont conscients des difficultés que pose le loup aux éleveurs du Plateau mais appellent à « travailler plus encore sur cette question et à se mettre autour de la table, pour que tous ensemble, on puisse trouver les moyens de cohabiter, de faire coexister l’élevage et le loup ».

« C’est une pratique qui est là depuis des décennies et qui appuie vraiment sur les moyens de protection. Il faut que l’État, la préfecture leur donnent des moyens plus importants, explique Carmen Munoz Pastor. Tous les troupeaux qui étaient protégés ne sont pas concernés par les attaques qui se concentrent sur les troupeaux qui sont mal, ou peu, ou pas protégés. »

(1) L'arrêté qui a autorisé ce tir en juillet 2024 pourrait être "illégal" d'après les associations et va prochainement faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif de Limoges, porté par Carduelis et l'Aspas.

 

 



12/03/2025
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