Loup bergers s adapter
Les brebis sont les Attila de la biodiversité en montagne, rappelle le
conseil national de protection de la nature dans un avis consacré
à la poursuite de la destruction du loup. Réduire la taille des
troupeaux pour mieux les protéger, plutôt que de continuer à
exterminer un prédateur dont les populations sont encore fragiles,
estime t-il.
Chercher à «briser la démographie de l’espèce.» C’est l’accusation que porte
le conseil national de protection de la nature (CNPN) contre la politique
menée par l’Etat en matière de gestion du loup, dans son dernier avis
rendu le 31 mai. Consulté sur le projet d’arrêté visant à fixer le nombre
maximum de loups pouvant être détruits pour la période 2017-2018, les
experts ont lâché les chiens contre la politique d’augmentation du
nombre de tirs autorisés et leurs conséquences sur l’évolution de
l’espèce, dans un contexte d’incertitude quant à son devenir biologique.
Surtout, il préconise que le pastoralisme en montagne s’adapte à la
nouvelle donne, en réduisant la taille de troupeaux toujours plus gros.
PLUS DE DONNÉES NÉCESSAIRES
Car «l’abattage chaque année de 12 à 15% de la population de loups n'apparaît
pas compatible avec le maintien de sa population dans un état de conservation
favorable», estiment les spécialistes. Les données manquent, reconnaissent-ils,
tant pour cerner «l'abondance de l'espèce, la structure de sa population,
que sa dynamique d'occupation de l'espace» que pour connaître l’efficacité
des tirs par rapport aux objectifs recherchés. Des fonds supplémentaires
sont demandés pour que l’Office national de la chasse et de la faune
sauvage (Oncfs) puisse traiter «les centaines d’échantillons génétiques restant
à analyser et coller au plus près aux évolutions démographiques et spatiales.»
Quant à une étude sur les conséquences des tirs, elle est à nouveau
demandée à l’Etat.
ARRÊTER DE TIRER DANS LE TAS
Existe-t-il d’autres solutions que les tirs? Plein, répond en substance le
CNPN. Et de lister le gardiennage et la surveillance renforcée des
troupeaux, le recours à des chiens de protection ou à des investissements
matériels tels que les parcs de contention. Autant de mesures, déjà promues
et financées par les pouvoirs publics, dont «la mise en place effective
(semblent ne pas être) réellement vérifiée sur le terrain.» A côté d’un
approfondissement de l’accompagnement des éleveurs, le CNPN ne baisse
pas la garde: les tirs doivent être le dernier recours et résulter d’une
«analyse contextuelle» stricte. Quant au cadeau accordé par Ségolène Royal –avec
l'arrêté du 30 juin 2015- de tirer en dehors de la zone de présence des troupeaux
dans le temps et dans l'espace (tirs de défense renforcée, lors de battue au
grand gibier ou à l'occasion de chasse à l'approche ou à l'affut de grand
gibier), le CNPN demande purement et simplement son abrogation.
PERSEVERARE DIABOLICUM
Peut-on se permettre, tant pour la sauvegarde de l’espèce que par
souci de cohérence avec l’expertise menée conjointement par le Museum
et l’Oncfs et les concertations entreprises, de dupliquer les arrêtés de
destruction d’année en année? «La simple reprise des dispositions prises
les années précédentes n’est plus satisfaisante», estime le CNPN, qui aurait
admis une «disposition de transition», mais pas un engagement sur l’année.
Or, plutôt que de mener une stratégie «ciblée spatialement et temporellement,
en riposte ou en anticipation de situations de dommage», l’Etat cherche à
«briser la démographie de l’espèce en neutralisant (…) tout l’excédent
de croissance démographique une fois prise en compte la mortalité naturelle.
» Une démarche de quasi extermination, avec une population de 300 à 400
loups qui est «loin d’être viable génétiquement.»
LES BREBIS, CES ATTILA DE LA BIODIVERSITÉ
Et si le retour du loup permettait de «rétablir un bon état de conservation des
écosystèmes»,interroge le CNPN. Difficile à dire, faute d’étude dédiée.
Et si l’activité pastorale en montagne n’était pas «systématiquement bénéfique
à la biodiversité», dans un contexte d’augmentation drastique du nombre
de brebis par exploitation (+41% en 10 ans)? «L’augmentation de la taille des
troupeaux et leur concentration sur certaines zones ont entraîné une dégradation
des pelouses d’altitude, avec un appauvrissement considérable de la diversité
spécifique de la flore et probablement aussi de la faune (en particulier invertébrée)
dans beaucoup d’alpages, constatent les experts. Les mares et lacs qui servent
de point d’abreuvage sont de plus en plus eutrophisés, même en cœur de parc
national, et perdent de manière à peu près irréversible leurs communautés
biologiques initiales.»
A L’ÉLEVAGE DE S’ADAPTER
Et si, finalement, ça n’était pas aux bergers de s’adapter au loup,
plutôt qu’au loup de déguerpir, demande le CNPN. Avec des troupeaux
moins grands, la protection serait facilitée, les potentialités de conflits
plus restreintes et les effets sur la flore, la faune et les habitats
redeviendraient favorables. Les éleveurs n’ont pas encore fait connaître
leur point de vue.
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